Josette Garnier, Agata Sferratore, Amélie d’Ayguesvives & Séverine Pinault
UMR Sisyphe, UPMC
Sous forme dissoute, la silice est un nutriment important utilisé par les organismes aquatiques -d’eau douce ou marines- : les diatomées, les radiolaires et les silicoflagellés utilise la silice pour constituer leur squelette siliceux (DeMaster, 1981 ; Anderson, 1986 ; Tréguer et al., 1995 ; Garnier et al., 1995). La silice dissoute est ainsi incorporée dans un certain rapport avec le phosphore et l’azote (rapport de Redfield et al., 1963) sous forme de silice biogénique. La silice dissoute est d’origine essentiellement diffuse ; elle dépend de la lithologie (nature des roches), du débit des cours d’eau, par conséquent du contexte climatique (Billen et al., 1998). Dans les bassins fortement anthropisés, comme c’est la cas de la Seine, l’azote et le phosphore (d’origine diffuse par l’agriculture, mais aussi de source ponctuelle domestique) sont en excès par rapport à la silice qui devient limitante, dans le réseau hydrographique (Garnier et al., 1995), mais aussi à la zone côtière (Conley et al., 1993 ; Humborg et al., 1997 ; Cugier et al., 2005). Les apports de silice n’ont en effet guère été modifiés jusqu’à présent (Conley et al., 1993). Les silicates forment les feldspaths des roches cristallines, constituant la croûte terrestre, et secondairement les argiles d’origine marine des roches sédimentaires. C’est un élément abondant de la planète, soit 27 % de la lithosphère. La silice a été très étudiée par les géologues et géochimistes (Marshall, 1980 ; Tréguer et al., 1995), mais son étude systématique dans le cadre de l‘eutrophisation des masses d’eau a été très tardive (1980-1990). La silice biogénique incorporée par les organismes, ainsi alourdis, sédimente dans les réseaux hydrographiques, mais aussi dans les réservoirs quand le temps de séjour est assez long pour le développement des organismes (Garnier et al., 2002 ; Trifu, 2002 ; ). Comme la redissolution de la silice biogénique est relativement lente, il peut se produire une immobilisation de la silice, la limitation étant donc ainsi amplifiée dans les réseaux hydrographiques eutrophisés et aménagés. Si, dès la fin des années 1950, des études avaient montré que la silice biogénique pouvait aussi avoir une origine semi-aquatique ou même terrestre, par l’intermédiaire de plantes supérieures qui utilisent la silice pour rigidifier leur squelette, c’est récemment que l’on a pu lui attribuer un rôle important dans les cycles biogéochimiques (Conley, 2002). Elle est connue sous le terme de phytolithes. Dans la démarche de modélisation de la Seine, alors que l’on considérait la silice dissoute comme seule source de silice diffuse, avec une représentation simplifiée de sa transformation dans la colonne d’eau, nous avons cherché à mieux décrire ses sources et les compartiments dans lesquels elle circule, avec l’objectif de mieux comprendre les mécanismes de l’eutrophisation.