Analyse rétrospective et prospective du fonctionnement du système Seine - Introduction générale

Auteur.e.s

Michel Meybeck

Université

UMR Sisyphe, Université Paris VI

Les systèmes fluviaux non influencés par l’homme sont en général à l’équilibre avec les conditions du milieu naturel et n’évoluent que très lentement au rythme des changements climatiques ou géologiques. Leur fonctionnement n’en est pas moins très dépendant d’événements exceptionnels de fréquence de retour décennale ou séculaire. Le temps est donc une dimension essentielle à prendre en compte dans l’étude des systèmes fluviaux naturels. L’anthropisation des fleuves et de leur bassin versant conduit à d’autres changements, à des échelles de temps et d’espace très variées et souvent interdépendantes, qui interfèrent avec la dynamique temporelle déjà complexe des systèmes naturels. En Europe de l’Ouest, ces changements concernent dès le Néolithique l’occupation du sol sur le bassin versant. L’aménagement hydraulique du réseau hydrographique, avec la création d’étangs et de moulins sur les plus petits cours d’eau est maximum dès les XII et XIIIe siècles. Dès cette époque, les procédés proto-industriels sont déjà générateurs d’une pollution ponctuelle organique et toxique proportionnellement très importante par rapports aux productions, dans les centres urbains, sans qu’une estimation quantitative en soit disponible. L’accroissement démographique des villes et l’accroissement de la production industrielle, qui se fait tout d’abord selon les mêmes procédés artisanaux, conduit à une augmentation considérable de la pollution urbaine au début du XIXe siècle. La «révolution sanitaire» menée à Paris par Belgrand amène la collecte des eaux usées pour un déversement ponctuel en aval de la capitale d’abord sans épuration puis avec un traitement progressif. Cette phase du « tout à la rivière » durera jusque vers les années soixante à partir desquelles les traitements et/ou le recyclage des eaux usées domestiques puis industrielles se mettent en place. Les premières réglementations généralisées liées à la qualité du milieu aquatique se développent avec la mise en place des Agences de Bassin au début des années 1970. En matière de production agricole, les grands changements ne s’amorcent que vers les années 1950 avec la généralisation du recours aux engrais de synthèse, puis aux pesticides. La prise de conscience de l’impact de l’agriculture moderne sur la qualité des eaux, et la mise en place de programmes d’action en ce domaine, ont aussi été beaucoup plus tardives que celles relatives aux problèmes causés par les rejets urbains.