Natalie Chong
Université Paris-Est, Ecole des Ponts ParisTech
(en) Beyond Evidence-Based Decision Support : Exploring the Multi-Dimensional Functionality of Environmental Modelling Tools. Comparative Analysis of Tool
Encadrée par : C. Bonhomme
Lien vers la thèse : https://pastel.archives-ouvertes.fr/tel-02520580
Résumé :
À l’heure où les horizons d’une croissance et d’une consommation infinies sont remis en cause, les appels aux développements de solutions de plus en plus robustes, flexibles et intégrées pour gérer les problèmes environnementaux inédits ont conduit à l’avènement d’un nouveau paradigme, transformant de manière radicale les pratiques de la science et de la gestion. L’importance accrue accordée aux approches collaboratives, intégrées et participatives a soutenu l’essor d’arrangements entre science, pratique et politique, tout en rendant nécessaire la création de nouveaux outils pour accompagner la mise en œuvre d’une réglementation de plus en plus exigeante. Dans le contexte de la gestion des ressources en eau, les modèles sont apparus comme des outils cruciaux, plébiscités par des scientifiques et des praticiens, pour leur capacité à faire avancer la compréhension scientifique du fonctionnement des systèmes hydrologiques à renseigner les politiques publiques et la planification de l’eau dans les bassins versants. Une grande diversité d’outils de modélisation a été développée pour analyser les processus physiques, chimiques et biologiques à l’œuvre, à des échelles spatiales et temporelles diverses et avec des degrés de complexité variés. Par ailleurs, les modèles sont censés fournir aux praticiens des outils concrets au service de politiques fondées sur des faits scientifiques (‘evidence-based policy’), en permettant de transposer des problèmes complexes en solutions techniques « gérables ». Pour autant, leur application pratique est loin d’être proportionnelle à l’investissement en temps et en ressources dédié à leur développement. Cette thèse vise à éclairer le fossé persistant entre science, pratique et politique dans le contexte d’un nouveau paradigme pour la science et la gestion, à travers le prisme des outils de modélisation et de leur rôle à l’interface science-pratique-politique. Nous utilisons une approche qualitative et nous nous appuyons sur deux exemples empiriques : le PIREN-Seine en France et le CRC for Water Sensitive Cities en Australie. Bien que les deux exemples partagent des défis, des méthodes et des objectifs similaires, la richesse de leur comparaison repose sur la différence fondamentale dans leurs approches et leurs stratégies.Ce faisant, nous explorons les moteurs, implications et conséquences potentielles des changements de paradigme parallèles à l’œuvre de la science et la gestion, en nous concentrant sur trois aspects : 1/ l’utilisation et l’utilité des outils de modélisation pour soutenir la gestion, la planification et les politiques publiques concernant les ressources en eau ; 2/ les différentes modalités qui permettent d’aborder l’incertitude dans l’aide à la décision reposant sur des modèles ; 3/ la signification ou la portée de nouveaux arrangements entre science, pratique et politique. En retraçant l’histoire de la production et de l’utilisation des outils de modélisation dans les deux exemples, nous cherchons tout d’abord à comprendre la relation nuancée entre « utilisation » et « utilité », en offrant un aperçu des facteurs qui les influencent. Nous nous intéressons ensuite à la question de l’incertitude en analysant la manière dont chercheurs et praticiens affrontent le défi fondamental de l’incertitude dans l’aide à la décision fondée sur les modèles. En considérant les processus complexes, socialement négociés, qui s’inscrivent dans le contexte de la prise de décision, nous nous concentrons sur la construction sociale de l’ignorance et sur sa fonction. Nous examinons enfin, à un niveau macro socio-économique, l’évolution des pratiques engendrée par le changement de paradigme dans la science et la gestion. Parmi ces changements, nous proposons une interprétation de l’émergence et des fonctions des « organisations frontières », et le rôle qu’elles sont amenées à jouer dans la recherche de solutions robustes, flexibles et durables.
Mots-clefs : Gestion des ressources en eau, Ignorance négociée, Interface science-gestion, Modélisation, Organisations frontières, Programme interdisciplinaire de recherche sur l'environnement (France), Gestion des ressources en eau, Eau -- Politique publique, France, Australie.